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LA MARQUE « EDMONTON ESKIMOS » SERA CHANGÉE: EST-CE JUSTIFIÉ?

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C’est officiel : l’équipe de la Ligue canadienne de football d'Edmonton cessera d'utiliser le mot « Eskimo » dans le nom de l'équipe (1). Le nom actuel a été critiqué comme insensible, voire raciste.

Quel est le problème?

Je suis un fan occasionnel de la LCF. Dans l'est, j'encourage les Allouettes de Montréal (ma ville natale). Dans l’ouest, j’encourage les Roughriders de la Saskatchewan (la ville natale de mon père). Cela a été la règle pendant des décennies de ma vie.

Or, en apprenant que l'équipe d'Edmonton devait changer de nom, j'ai été surpris. Je n'ai jamais utilisé le mot « esquimau » de façon péjorative. Et je ne me souviens pas, dans toute ma vie, avoir entendu son utilisation dans un contexte négatif. Après tout, le mot « Esquimau » fait référence à l'un des peuples les plus robustes qui soient. Ce peuple a occupé et a survécu des millénaires dans l'un des climats les plus inhospitaliers de la planète! Comment ne peut-on ressentir autre chose que du respect et de l’admiration pour un tel peuple?

J'admets donc que la question du changement de la marque/du nom « Edmonton Eskimos » m'a frappée d'une manière étrange. Cela m’a confronté à mes vérités préétablies. C'est certainement le cas de nombreux admirateurs et même des joueurs de l'équipe (2).

Mais au cours de mes recherches et après réflexion, il ne m'est jamais venu à l'esprit que le mot esquimau pourrait être offensant pour ceux auxquels il faisait référence : les Inuits!

D'où provient le mot?

L'origine du mot esquimau est incertaine. Certains chercheurs affirment qu'il dérive de la langue des Ojibwés (encore parlée aujourd'hui) qui signifie « mangeurs de viande crue ». D'autres affirment que cela signifie « celui qui lace les raquettes ». Certains anthropologues du siècle dernier ont suggéré que le mot provenait du mot latin excommunicati, signifiant les excommuniés, car les autochtones de l'Arctique canadien n'étaient pas chrétiens. (3)

Aussi intéressante que puisse être l'origine étymologique du mot, ce qui compte maintenant, c'est de reconnaître que la culture européenne n'a pas demandé aux Inuits leur avis. Ils ont simplement décidé que c'était le mot à utiliser, tout comme ils ont décidé d’imposer leur mode de vie et leurs religions. Pendant plus d’un siècle, la question ne se posait pas : il y avait des préoccupations plus pressantes, à savoir la survie dans un environnement sévère et impardonnable. Ce n’est qu’en acquérant un plus grand sentiment de confiance et de conscience culturelle que la question est devenue l’objet de revendications par les Inuits.

Cela dit, il est clair dans mon esprit que l’adoption, en 1911, du mot « Eskimo » en tant que marque par l’équipe de football d’Edmonton a été faite avec en croyant que le mot était respectueux des peuples « esquimaux ». Cependant, le monde a changé, et les bonnes intentions ne suffisent plus. La perception des groupes culturels ne peut plus être ignorée face aux changements sociétaux récents.

Voici un témoignage qui m’a frappé :

An Inuit named Arnaquq-Baril recalled a conversation she had at the dinner table with her mother about this topic (the Edmonton Eskimos). »For my mother, and for others, it [brings] up all kinds of awful memories," she said. « When a non-Inuk would come to the door of the house, we would often rush and hide the raw food out of shame, because they were so bullied and teased for being eaters of raw meat. » (4)

Le mot « Eskimos » est donc un problème

Les propriétaires des Eskimos d'Edmonton avaient décidé dès janvier dernier de ne pas changer de nom. Ce n'est que récemment, et après de nouvelles consultations, qu'ils ont changé de position et ont conclu que leur marque était controversée. La pression du public (5) et aussi de leurs commanditaires (6) est devenue trop forte. Les entreprises ne sont clairement pas à l'abri des bouleversements sociaux. (Voir notre article précédent sur l'équipe de football des Redskins de Washington (7)).

Peut-être qu’avec l'aide d'experts en « branding », cet événement peut même avoir une tournure positive : les nouveaux fans et consommateurs pourraient accueillir le changement si la nouvelle marque est choisie dans le respect des réalités sociales modernes.

En attendant, le club a l'intention d'utiliser les noms « EE Football Team » et « Edmonton Football Team » jusqu'à ce qu'un nouveau nom soit trouvé.

Sources :

(1)    https://www.cbc.ca/news/canada/edmonton/edmonton-cfl-team-name-1.5657661

(2)    https://www.cbc.ca/sports/football/cfl/edmonton-cfl-team-name-former-players-1.5658486

(3)    https://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/eskimo

(4)    https://www.cbc.ca/news/canada/north/inuit-reaction-edmonton-cfl-team-name-change-1.5658904

(5)    https://edmontonjournal.com/news/local-news/edmonton-eskimos-face-backlash-on-twitter-as -calls-for-name-change-rise

https://edmontonsun.com/sports/football/cfl/edmonton-eskimos/inuit-leader-natan-obed-thankful-over-decision-to-drop-eskimos-name

(6)    https://www.cbc.ca/news/canada/edmonton/edmonton-cfl-team-name-1.5657661

(7)    https://rsgmarques.ca/blogue/Washington Redskins

* * *

LES WASHINGTON REDSKINS®, AUNT JEMIMA®, UNCLE BEN’S®, ESKIMO PIE® : Ces marques notoires qu’on ne tolère plus!

Après des décennies de critiques en raison du fait que certaines marques perpétuaient des stéréotypes raciaux, les propriétaires de ces marques quasi iconiques ont récemment annoncé qu’ils apporteraient ou envisageaient d’apporter des changements importants à celles-ci, voire même les changer complètement. 

Notamment :

Washington Redskins® (équipe de football américain et produits dérivés)[i]

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Aunt Jemima® (notamment pour mélanges pour crêpes et sirop) [ii]

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Uncle Ben’s® (notamment pour du riz)[iii]

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Eskimo pie® (friandises de crème glacée)[iv]

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Il faut se rappeler que ces marques notoires ont chacune une valeur marchande de plusieurs dizaines ou plus de millions de dollars. On imagine bien que ce n’est pas avec gaieté de cœur que ces entreprises agissent de la sorte! Il est assez certain que c’est la vigueur inouïe du mouvement « Black Lives Matter », issu de l’assassinat criminel de George Floyd dans la ville de Minneapolis aux États-Unis, qui aurait finalement forcé la main de ces entreprises qui, depuis plusieurs années déjà, sentaient une pression d’agir. Dans au moins un cas (les REDSKINS) une source importante de cette pression venait de commanditaires subissant eux aussi une pression énorme du public[i].

QUESTIONS JURIDIQUES

Existe-t-il un recours juridique pour forcer le propriétaire d'une marque préjudiciable en terme racial à cesser de l'utiliser ou de la changer? La liberté d'expression au Canada est protégée en tant que « liberté fondamentale » par l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte permet également au gouvernement d'imposer des limites « raisonnables » telles que le discours de haine, l'obscénité et la diffamation en tant que catégories de discours restreint au Canada. Le discours de haine peut être défini comme « un discours public qui exprime de la haine ou encourage la violence envers une personne ou un groupe sur la base de quelque chose comme la race. On pense également qu'il comprend des communications d'animosité ou de dénigrement d'un individu ou d'un groupe en raison d'une caractéristique du groupe telles que la race, la couleur ou l'origine nationale. Sur ce point, signalons que le Code criminel contient une disposition contre les crimes de discours de haine (art. 319). Quant au mot « obscène », il est généralement défini comme quelque chose d'offensant ou de dégoûtant selon les normes de moralité reconnue ou de décence ou qui est offensants pour les sens.

Par conséquent, serait-il possible d'affirmer que le terme « REDSKINS » (Peaux-Rouges) est ou est devenu obscène au regard des normes sociales et morales actuelles?

La question peut également se poser dans en droit des marques. L'alinéa 9 (1) j) de la Loi sur les marques de commerce du Canada interdit l'adoption de toute marque de commerce consistant en un mot ou un dispositif scandaleux, obscène ou immoral, ou se rapprochant de ce point de façon à être susceptible d'être confondu avec lui. Lors de l'examen d'une marque de commerce au regard de l'alinéa 9 (1) j), les examinateurs canadiens de marques de commerce peuvent être guidés par les éléments suivants:

  • Un mot ou un dessin est scandaleux lorsqu’il offense le sens des convenances ou de la moralité de la population ou de personnes en particulier, lorsqu’il porte atteinte à une nationalité ou encore lorsqu’il est généralement perçu comme offensant. Le terme est généralement défini comme causant un scandale, provoquant une grande indignation dans le public, par son mauvais exemple.

    Un mot est obscène lorsqu’il dépasse les limites du langage courant ou lorsqu’il est tabou selon les codes de politesse. Le terme « obscène » est généralement défini comme blessant la délicatesse par des représentations ou des manifestations grossières de la sexualité.

  • Un mot ou un dessin est immoral lorsqu’il entre en conflit avec les principes moraux courants ou traditionnels. Le terme est généralement défini comme contraire à la morale, aux bonnes mœurs.

Pour déterminer si une marque de commerce est scandaleuse, obscène ou immorale, l'examinateur doit juger si la marque de commerce offenserait les sentiments ou la sensibilité d'une partie importante de la population.

Dans la décision de Miss Universe, Inc. c. Bohna (1991) 36 C.P.R. (3e) 76 (C.O.M.C.) [confirmé par (1992) 43 C.P.R. (3e) 462 (C.F.), puis infirmé pour cause de confusion par (1994), 58 C.P.R. (3e) 381 (C.A.F.)] le juge indique, à la page 82 de la décision :

[Traduction] Je dois dire que présentement, nous vivons dans ce qui est généralement appelé une ‘période permissive’ où les normes de moralité acceptées dans le passé sont en train de changer. La difficulté est de déterminer ce que sont les normes de moralité acceptables aujourd’hui et ce qui serait toujours considéré immoral, scandaleux ou obscène pour certaines personnes, qui ne sont pas rares.

Même si on ne dit pas spécifiquement « non négligeable », la mention « qui ne sont pas rare » sous-entend la même idée.

Par conséquent, ne pourrait-on pas soutenir que le mot « REDSKINS » (Peaux rouges) est ou est devenu scandaleux, obscène ou immoral au sens de l'alinéa 9(1)(j) de la L.M.C. au Canada ?

Bien que ces questions d'ordre juridique sont intéressantes, il reste que c’est bel et bien la perception qu’on les consommateurs d'une marque qui est la principale force derrière le changement des marques notoires nommées ci-haut.

MARQUES FUTURES

Par quoi c’est marques notoires seront-elles remplacées? Difficile de dire à l’heure actuelle. Ce qui est certain, c’est que les coûts seront substantiels afin d’assurer une transition efficace. Imaginez : 1) il faut choisir une nouvelle marque attirante; 2) laquelle doit être disponible en ce qu’elle ne porte pas à confusion avec d’autres marques existantes; 3) s’assurer le nom de domaine est disponible; 4) effectuer l’enregistrement de la marque dans tous les pays où sont vendues les marchandises en question; et 5) engager des frais énormes de publicité et de marketing.

Ceci est un rappel aux entreprises qui possèdent des marques de commerce ou qui envisagent d’adopter de nouvelles marques avec une vision de l’avenir, d’orienter leurs choix vers des marques qui sont respectueuses des revendications sociales et morales exprimées par le public.

SOURCES:

[i] https://www.washingtonpost.com/sports/2020/07/13/redskins-change-name-announcement/

[ii] https://www.cnn.com/2020/06/17/business/aunt-jemima-logo-change/index.html

[iii] https://www.msn.com/en-us/news/us/uncle-bens-changing-logo-away-from-racist-imagery/ar-BB15CPTr

[iv] https://www.cbsnews.com/news/dreyers-retires-derogatory-eskimo-pie-name-99-years/

[v] https://www.washingtonpost.com/local/corporate-money-black-lives-matter-protests-and-elites-opinion-drive-redskins-name-change/2020/07/12/6103a6de-c2c6-11ea-b178-bb7b05b94af1_story.html

Changements importants au régime de marques au Canada

Le 17 juin 2019, des changements importants entreront en vigueur en liaison avec la loi canadienne sur les marques de commerce. La présente est un sommaire des principaux changements. Certains de ceux-ci pourraient s’avérer avantageux pour votre entreprise (selon le symbole « * » ci-après). Pour plus d’informations, je vous invite à me contacter. Merci.

 CHANGEMENTS IMPORTANTS AU RÉGIME DE MARQUES AU CANADA

 1)    Protection de marques non traditionnelles (*)

La couleur, l’odeur, la saveur, une texture, un hologramme, etc.: Un ou plusieurs de ces signes pourront désormais faire l’objet d'une demande d’enregistrement.

 2)    Aucune obligation de réclamer un emploi antérieur ou un emploi projeté (*)

Il ne sera plus nécessaire de préciser si la marque est utilisée ou non dans une demande d’enregistrement. Ceci augmentera l’importance stratégique d’être le premier à déposer une demande.

 3)    C’est terminé avec les déclarations d’emplois (*)

Les marques admises ne feront plus l’objet d’une déclaration d’emploi, ce qui réduira le temps requis pour l’émission du certificat d’enregistrement dans le cas d’une demande fondée sur un emploi projeté.

 4)    Frais additionnels par classe de marchandise ou de service

Présentement, le frais de dépôt d’une nouvelle demande est de 250 $, peu importe le nombre de marchandises or de services demandés. Cela va changer. Il sera désormais nécessaire de payer 330 $ pour la première classe de marchandises ou de services et 100 $ par classe additionnelle, et ce, parmi les 45 classes comprises dans la Convention de Nice.

 5)    Objections fondées sur l’absence de distinctivité inhérente

Ce changement pourrait entraîner une augmentation du nombre d’objections émis par le registraire des marques lors de la période d’examen.

6)    Diviser une demande d’enregistrement (*)

Cette option pourrait être avantageuse dans certains cas où la demande fait l’objet d’un rapport d’examen ou une opposition, ou encore advenant le besoin d’une cession à une tierce partie d’une partie seulement des marchandises ou services couverts par la demande initiale.

 7)    Durée de la période d’enregistrement: de 15 à 10 ans

L’enregistrement sera émis pour une plus courte période, comme c’est le cas ailleurs dans le monde.

 8)    Augmentation des frais de renouvellement

Le coût de renouvellement d’une marque sera maintenant de 400 $ pour la première classe couverte par l’enregistrement et de 125 $ pour chaque classe additionnelle.

 9)    Simplification de l’enregistrement d’une cession (*)

Lors de l'inscription d'une cession de droit dans une ou plusieurs marques, il ne sera plus nécessaire de produire un acte qui confirme la cession, à moins que le cessionnaire ne le demande.

 10) L’enregistrement international rendu plus facile (*)

Le Canada a adhéré au Protocole de Madrid, ce qui signifie que les entreprises canadiennes auront accès à un régime international d’enregistrement pouvant compter jusqu’à 116 pays à travers le monde.

N'hésitez pas à me contacter pour toute question. Merci! 

 Richard S. Gareau